Paris, le 12 décembre 2013
 

Ouverture des données de santé :
l’inadmissible blocage des pouvoirs publics

 

L’administration a bien l’intention de conserver la mainmise sur les données de santé. Parallèlement, le modèle de gestion du système de soins qu’elle propose aux citoyens continue d’apporter chaque jour ou presque les preuves de son inefficience. Ça va durer encore longtemps ?

C’est bien un débat sur l’ouverture des données publiques en santé que le chef du gouvernement Jean-Marc Ayrault avait annoncé début juillet. La ministre de la santé, Marisol Touraine en a décidé tout autrement et a finalement mis sur pied une commission composée pour majeure partie d’acteurs publics, notoirement défavorables à une démarche d’Open data en santé.

Pas étonnant que cette commission ait essuyé dès sa première réunion organisée le 21 novembre, un tir nourri de la part de plusieurs participants (le Collectif interassociatif sur la Santé et l’UFC-Que Choisir, membres de notre collectif, en tête) estomaqués que la ministre ait ainsi enterré l’idée d’un débat véritablement transparent associant les citoyens.

Une commission mais pas de débat public !

C’est donc entre gens de bonne compagnie que seront discutées les conditions d’accès aux données publiques de santé. L’Initiative n’attend pas grand chose des travaux de cette commission qui devraient s’achever fin avril. Sinon qu’elle entérine les conclusions du rapport Bras préconisant notamment l’accès aux données individuelles anonymisées de l’Assurance maladie aux seuls acteurs de la sphère publique.

Ces données sont pourtant essentielles à la bonne compréhension de notre système de santé et à la mise en place d’actions qui permettraient d’en corriger les nombreux dysfonctionnements. Surconsommation de médicaments, décès évitables par milliers dus à des prescriptions injustifiées, scandales sanitaires à répétition, dilapidation d’argent public...

L’administration en dépit de ces échecs, passés et présents, n’entend pas lâcher le morceau. La principale raison de cette « frilosité » tient selon le Professeur Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), dans la volonté de « maintenir l’illusion que la santé des Français est gérée avec rigueur et discernement ».

Les nouveaux anticoagulants (enfin) en question

Il n’est pas besoin de trop gratter le vernis pour constater que c’est loin d’être le cas. Dernier exemple en date, la publication fin novembre par l’Agence nationale de Sécurité du médicament (ANSM) d’un rapport alarmant sur l’utilisation des nouveaux anticoagulants oraux. Utilisés depuis la fin de l’été 2012 « pour éviter des phlébites, des embolies ou des AVC, ces médocs coûtent un bras à la Sécu, ironise Le Canard enchaîné dans son édition datée d’hier.

Surcoût attendu [par rapport aux traitements existants, les anti-vitamines K, ndlr] : 150 millions d’euros d’ici à 2016 ». Et l’hebdomadaire satirique de rappeler que ces nouveaux médicaments sont (déjà) « dans le collimateur de la justice : huit familles ont porté plainte à la suite de décès ». L’étude de l’ANSM, que l’Initiative appelle de ses voeux depuis longtemps, pointe la « croissance exponentielle des prescriptions, qui, dans un nombre non négligeable de cas, relève Le Monde, sont réalisées dans des situations inappropriées ou avec un risque accru d'hémorragies ».

De quoi se plaint l’Initiative puisque l’étude a bien été menée ? D’abord, les autorités ont beaucoup trop tardé à la mettre en place. La surveillance de la consommation de ces médicaments, dont on sait qu’ils présentent un profil de risque important aurait du être instaurée dès le début de leur commercialisation. Les pouvoirs publics ont attendu plus d’un an pour se réveiller. Pour la réactivité, on repassera.

Une étude aux nombreuses lacunes

Plus grave encore, les résultats de cette étude s’appuient sur des données datant...  du 4ème trimestre 2012. Comme d’habitude, donc, on prétend réguler la consommation médicamenteuse avec des données périmées (de près d’une année, en l’occurrence) alors qu’il est tout à fait possible techniquement d’exercer une surveillance en temps réel. Enfin, aucune information n’est disponible dans cette étude sur un éventuel accroissement des hospitalisations que l’on pourrait associer à l’explosion des prescriptions de ces nouveaux anticoagulants.

Les autorités sanitaires disposent pourtant, là encore, des outils qui permettent de croiser les données de consommation des médicaments avec celles des admissions dans les établissements de soins. On comprend des conclusions de l’ANSM que ces informations seront disponibles au courant du premier semestre 2014. Combien de patients d’ici là auront succombé à une hémorragie qui aurait été évitable ?

Près de 6000 décès seraient imputables chaque année à des prescriptions injustifiées de médicaments, selon le Professeur Bernard Bégaud (voir ci-dessous notre compteur de la mort). En dépit de ce constat alarmant, les pouvoirs publics continuent de se satisfaire d’un mode de surveillance archaïque. Qu’ils ne s’étonnent pas que la société civile pointe leur incompétence et réclame avec tant d’insistance l’ouverture des données.

A lire et à visionner absolument

Suggestion de lecture cette semaine, le rapport publié mardi par Terra Nova qui fustige le chantier de modernisation de l’action public lancé par le gouvernement. Dans ce document, le think tank de gauche indique tout le bien qu'il pense de l'ouverture des données publiques, « un ferment essentiel d'innovation » et appelle (proposition 14, pages 65 et 66) à « amplifier » le mouvement. Un gouvernement socialiste rappelé à l’ordre par un think tank de gauche, voilà qui ne manque pas de sel... ni de poivre.

A ne pas manquer non plus, la diffusion ce jeudi à 20h45 d’un reportage d’Envoyé Spécial consacré à l’excès de consommation des médicaments, un sujet décidément dans l'air du temps. « À chaque seconde qui passe, peut-on lire sur le site de l’émission, l’Assurance Maladie rembourse 730 euros de médicaments, soit 43 800 euros à chaque minute. Pour l’année 2011, ce furent 23 milliards d’euros, 40% de plus qu’il y a 10 ans. Nous consommons toujours plus de médicaments mais est-ce vraiment utile ? Derrière ces dépenses, un immense gaspillage pourrait être évité ».

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Le compteur de la mort
La nouvelle année approche... Depuis le 1er janvier dernier, on estime à près de 6000 le nombre de décès attribuables à des prescriptions injustifiées de médicaments.
Bonne santé !



 
Bien cordialement,
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