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L'Open data, la ministre de la Santé n'en veut pas

Pierre-Louis Bras, inspecteur général des affaires sociales, a remis jeudi 3 octobre à la ministre de la Santé Marisol Touraine un rapport sur la " gouvernance et l'utilisation des données de santé ". Une nouvelle occasion de mesurer le fossé qui sépare les pouvoirs publics des tenants - que nous sommes - d'un accès universel aux données publiques sur le système de soins.

Publié le 07 octobre 2013 à 15h55, modifié le 07 octobre 2013 à 15h55 Temps de Lecture 4 min.

Marisol Touraine, le 26 septembre à Paris.

Pierre-Louis Bras, inspecteur général des affaires sociales, a remis jeudi 3 octobre à la ministre de la santé Marisol Touraine un rapport sur la " gouvernance et l'utilisation des données de santé ". Une nouvelle occasion de mesurer le fossé qui sépare les pouvoirs publics des tenants - que nous sommes - d'un accès universel aux données publiques sur le système de soins.

Tout le monde s'accorde aujourd'hui sur l'intérêt que présentent ces données, notamment celles collectées par la Caisse nationale d'Assurance maladie (CNAMTS) lors de la télétransmission des feuilles de soins électroniques. Utilisées à bon escient, elles permettraient d'améliorer considérablement le pilotage de notre système de santé.

Sauf que l'accès à ces données reste pour le moment réservé à l'administration qui n'en fait rien ou pas grand chose et laisse ainsi perdurer des dysfonctionnements majeurs.

Exemple parmi d'autres, la surconsommation de médicaments, dont l'impact financier se chiffre chaque année en milliards d'euros. Le coût est humain également. On estime à environ 6000 par an le nombre de décès attribuables à des prescriptions injustifiées.

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L'ADMINISTRATION, UNIQUE DÉTENTRICE DES DONNÉES

Promis juré, le temps de ces dérives est révolu. Il y a quelques jours, lors de la présentation de la stratégie nationale de santé, Marisol Touraine affichait l'intention qu'enfin le potentiel inexploité de ces bases de données soit " valorisé, au bénéfice de l'ensemble des acteurs du système de santé ".

Voilà près de 15 ans que les informations relatives à la consommation de soins des Français sont méthodiquement stockées par la puissance publique et enfin celle-ci s'aperçoit qu'il serait peut-être intéressant de s'en servir. Quelle réactivité !

Au ministère de la santé, on tempère toutefois. Cette exploitation ne peut être envisagée que " dans un cadre respectueux du secret médical et des règles garantissant l'anonymat. Seules les données non sensibles de ce double point de vue ont vocation à être mises à disposition de la collectivité ".

En d'autres termes, l'administration veut bien ouvrir l'accès, mais seulement aux données qui ne présentent pas, ou peu, d'intérêt. Celles dont l'utilisation permettrait d'envisager de réelles avancées dans la gestion de notre système de santé, les données individuelles anonymisées notamment, la ministre de la Santé n'a aucune intention de laisser les acteurs extérieurs à la sphère publique en disposer.

DES ARGUMENTS FALLACIEUX CONTRE L'OPEN DATA

Dans de nombreux pays (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Suède, etc.), l'ouverture des données de santé s'impose comme frappée au coin du bon sens. En France, sous couvert d'un discours " open ", l'administration invente, exception française oblige sans doute, un autre concept : la transparence en accès restreint. Pourquoi, une telle position ?

Les raisons invoquées par les opposants à un accès plus large aux données sont diverses. Elles ont toutes en commun de ne pas tenir bien longtemps l'examen. L'anonymat des données ? Personne ne le remet en cause. C'est une évidence partagée de tous. L'identité des patients, les acteurs qui souhaitent disposer des données de santé, fussent-ils privé, n'en ont cure.

D'autant que les informations sur la consommation de soins des Français détenues par la CNAMTS sont strictement anonymisées. " En croisant certaines informations on peut identifier des personnes connues par ailleurs ", objecte le rapport de l'Igas. Un risque que l'auteur qualifie cependant " d'opportuniste, de ponctuel et ne concernant à chaque fois qu'un petit nombre de personnes ".

L'argument, sinon fantasmé, est en tout cas de portée très limitée et ne saurait justifier la restriction de l'accès aux données.

Autre inquiétude exprimée par l'Igas, la possibilité que les données soient l'objet de " mésusages intentionnels (...). La question se pose avec acuité dans la perspective d'une utilisation des données par les industries de santé ". Là encore, l'argument ne tient pas la route.

LES VRAIES CAUSES DE LA RÉTENTION

Et pour cause, les labos ont déjà accès aux informations. Comment ? Via les données issues des ventes en pharmacies ou encore par l'intermédiaire des équipes publiques de recherche ayant accès aux données. Invitée lors d'une journée organisée en septembre à l'Assemblée nationale sur l'Open data en santé, une responsable de la CNAMTS l'a elle-même confirmé !

Si les pouvoirs publics freinent des quatre fers pour ouvrir l'accès aux données, c'est bien qu'ils craignent qu'on lève le voile sur l'incompétence dont ils font preuve depuis des années dans la gestion du système de soins.

Pour Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d'éthique et par ailleurs signataire de notre manifeste, les résistances à l'Open data en santé trouvent, de façon évidente, leur origine " dans la volonté de maintenir l'illusion que la santé des Français est gérée avec rigueur et discernement ".

En juillet, notre collectif a officiellement saisi la CNAMTS d'une demande relative à la consommation de Mediator. Quelles quantités ont été consommées ? Dans quelle mesure les prescriptions étaient médicalement justifiées ? Et surtout, combien la collectivité a-t-elle dépensé afin de rembourser l'empoisonnement de centaines de patients ?

L'Assurance maladie dispose de toutes les réponses à ces questions. Elle a refusé de nous fournir la moindre information.

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